Non, être une femme libérée n’est pas si facile. Nous avons beau nous émanciper, nous former, nous préparer pour affronter le monde, il y aura toujours un moment où nous aurons besoin d’activer notre (petit) réseau pour soit démarrer soit progresser dans notre activité professionnelle. C’est à ce moment-là, dans notre désarroi et détresse, que ce bon vieux patriarcat fait son apparition, toujours aussi vil et perfide. La grande majorité des décideurs sont des hommes, et nombreux sont ceux qui usent de leur influence pour légitimer des propositions indécentes. Liberté, égalité ou adversité ?

Je ne me fais pas la porte-parole des femmes et je ne considère pas tous les hommes comme des profiteurs. Je fais état d’un constat. J’aimerais pouvoir affirmer que je suis la seule dans ce cas, la seule qui pour pouvoir travailler use d’astuces pour esquiver les propos non dissimulés. Mais si c’était le cas, la tristement célèbre réplique « ce n’est qu’un diner » dans le monde des affaires ne serait pas illustrée par des témoignages sous couvert d’anonymat et de hashtags viraux.

Ce constat, juxtaposé à mon vécu, m’oblige à faire état d’une oppression sexiste des hommes sur les femmes, ou plus précisément des outrecuidants usant de leur influence pour rabaisser la femme en la positionnant en victim blaming.

Cette influence est omniprésente et il suffit que vous apparteniez à un milieu créatif pour qu’obligatoirement vous perdiez toutes formes de légitimités à refuser. C’est bien connu : les créatifs ont besoin d’être stimulés.

Aujourd’hui, ce qui m’anime et me fait réagir ce n’est pas que j’appartienne à la catégorie des entrepreneuses minoritaires (les créations d’entreprise en France par des femmes sont de l’ordre de 33 %). Ce n’est pas non plus tous les sacrifices que j’ai dû réaliser pour pouvoir avancer. Ce n’est pas toutes mes obligations personnelles cumulées à mon activité malgré les combats menés. Non, ce qui m’anime c’est cette colère face à des hommes qui usent de leur statut pour assouvir un besoin primaire et un besoin de reconnaissance aliéné par un égo faisant écho à une forme d’impuissance. Ce qui m’anime est de dénoncer cette suprématie masculine qui nous prend en otage sous couvert de menaces nous faisant clairement comprendre que « soit vous vous soumettez, soit vous sombrez ». Et c’est bien-là que réside l’essentiel du problème : ce pouvoir alimenté par l’indifférence lié à la banalité des faits peut nous faire sombrer. Il s’agit de notre travail, de notre place dans la société, de notre pouvoir d’achat et d’échapper à la précarité.

Je n’ai jamais cédé, pensant ainsi être fière d’avancer dans la dignité, mais encore faut-il pouvoir avoir les moyens de progresser. Souvent je me suis demandée si mon attitude n’était pas uniquement de la fierté mal placée. Après tout, les femmes subissent ce genre d’affront depuis la nuit des temps et ont réussi à développer un pouvoir bien plus puissant.

Puis je pense à ma fille et ma colère se transforme en fureur impuissante. Je ne juge pas les femmes qui acceptent. J’y voit une forme de compromis. Je m’offense qu’à notre époque, les femmes soient encore soumises à l’impact de la domination masculine. Mon aversion face à la situation est un appel à la sororité, une envie d’appartenir à une communauté où les règles du business ne se focaliseront pas sur mes fesses, où on ne m’invitera pas à suivre ledit décideur dans son bureau qui prendra soin de fermer la porte afin de convenir d’un rendez-vous en soirée, où le fait d’échanger autour d’un repas sera un moyen convivial d’entamer des négociations commerciales et non à des fins bestiales.

Je rêve d’un autre monde, où mes affaires seraient fécondes (merci Jean-Louis Aubert) et si madame rêve d’apesanteur (R.I.P. Alain Baschung) ce n’est pas sous l’emprise d’un marabout me lançant un « échec et mat, à genoux » (Mylène Farmer dont les textes émancipent).

Je prône l’égalité, je n’adhère pas à l’adversité.

(N.D.L.R. : Ces propos n’engagent que moi.)

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